Mohammed V : Du sultanat à la royauté, une saga marocaine – Épisode du podcast « Le Maroc et ses sultans, récits de pouvoir

Dans le récit de l’histoire marocaine, peu de figures ont autant marqué les esprits que Sidi Mohammed ben Youssef, connu sous le nom de Mohammed V. Son parcours, qui le voit passer de sultan à roi, est atypique, fascinant et plein d’enseignements. Orienté par son désir d’indépendance vis-à-vis du protectorat français, ce sultan a su incarner les aspirations d’un peuple en quête de liberté. Pour comprendre les enjeux qui l’ont amené à devenir roi, il est essentiel de plonger dans le contexte historique qui a façonné cette époque charnière du Maroc.

La montée de Mohammed V et le contexte du sultanat

Né en 1909, Sidi Mohammed ben Youssef devient sultan en 1927, un moment décisif qui coïncide avec l’apogée du protectorat français sur le Maroc. Installé dans une situation complexe depuis le début de son règne, il doit composer avec des autorités coloniales puissantes tout en conservant des éléments de la tradition marocaine. Cette première étape de sa vie politique est souvent caractérisée comme celle d’un sultan consulté, qui joue un rôle plus figuratif que véritablement exécutif.

Mohammed V entre dans une dynastie, celle des alaouites, qui représente la continuité du pouvoir monarchique au Maroc. L’un des enjeux majeurs pour lui est la préservation de son autorité face au protectorat français. Dans les premiers temps, il s’inscrit dans une logique où il approuve activement les réformes et les décrets français, jouant le rôle de légitimation de leurs politiques en scellant des dahirs – ces décrets royaux qui lui confèrent un semblant de pouvoir.

• 📜 Règlementation des réformes par les dahirs
• 🇫🇷 Lecture des actions françaises : entre acceptation et résistance
• 👥 Dépendance vis-à-vis des élites marocaines : pachas, caïds, etc.

Le règne de Mohammed V débute donc dans la continuité de son prédécesseur, engendrant des relations complexes avec les élites qui composent le pouvoir local. Ce système, où les élites peuvent à la fois “lier” et “délier” le pouvoir du sultan, montre à quel point son autorité est conditionnée par des accords politiques souterrains. D’ailleurs, il est intéressant de noter que sa sélection comme sultan ne s’est pas faite par héritage direct mais plutôt par consensus parmi les notables marocains et les représentants de l’autorité coloniale.

L’impact de la Seconde Guerre mondiale sur le règne de Mohammed V

Le contexte international de la Seconde Guerre mondiale va jouer un rôle déterminant dans l’évolution de la position de Mohammed V. Lorsque le Maroc, sous l’autorité du résident général Charles Noguès, se rallie au régime de Vichy, c’est un tournant. Il est à ce moment-là plus que jamais tiraillé entre les exigences du protectorat et les aspirations de son peuple.

Les lois antisémite et les échanges de souveraineté deviennent un sujet brûlant. Bien qu’il ait été présenté comme un protecteur des droits des Juifs marocains, son approbation des mesures discriminatoires soulève des questions sur sa véritable volonté. Ainsi, les récits autour de son rôle durant cette période continuent de faire débat, tant dans les milieux nationalistes que dans la population générale. Parallèlement, des mouvements nationalistes, tels que le Parti de l’Istiqlal, gagnent en force, cherchant à établir un lien de proximité avec le sultan.

• ⚔️ Les défis du nationalisme marocain se précisent
• 📈 Renforcement du Parti de l’Istiqlal
• 📝 Soumission du Manifeste de l’indépendance à Mohammed V

La transition vers la royauté

À partir de 1947, le discours de Mohammed V à Tanger marque une véritable rupture avec le passé. Bien qu’il n’y évoque pas explicitement l’idée d’indépendance, ses propos laissent entendre une volonté de changement. Ce moment est crucial dans son parcours, le faisant passer du statut de sultan à celui d’un leader visionnaire portant les espoirs d’une nation en quête de liberté. À cette époque, le nationalisme marocain s’est profondément enraciné dans la société, se traduisant par de fortes revendications pour obtenir la fin du protectorat français.

Cette prise de parole lui vaut le titre de “père de la nation” au Maroc. En effet, malgré une forte opposition, tant de la part de la résidence générale que des élites conservatrices, il affirme ainsi son désir d’émancipation. À ce moment-là, des actes de désobéissance civique commencent à émerger, renforçant sa position. Parallèlement, sa position politique devient de plus en plus ambiguë, alors qu’il tente de naviguer entre les exigences du nationalisme marocain et les attentes de la France.

L’exil et le retour triomphal de Mohammed V

En août 1953, Mohammed V est déposé et exilé, une manœuvre orchestrée par les forces françaises et leurs alliés locaux. Cet épisode de l’exil de Mohammed V constitue une phase cruciale de sa destinée. À ce moment, le nouveau sultan, son cousin Sidi Mohammed ben Arafa, ne réussit pas à gagner le soutien des Marocains, ce qui renforce la nostalgie du roi déchu. En conséquence, la pression populaire pour le retour de Mohammed V ne cesse de grandir.

• 🔄 Retour symbolique en 1955
• ✅ Accords d’indépendance en mars 1956
• 👑 Couronnement comme roi en 1957

Lorsque finalement il revient au Maroc, c’est comme un héros. Sa réintégration dans le paysage politique marocain coïncide avec un tournant majeur, celui de l’indépendance du Maroc. Le couronnement de Mohammed V en tant que roi en 1957 illustre le changement de perception dans le rapport au pouvoir monarchique. Le sultan traditionnel cède la place à un roi moderne, symbolisant un processus d’évolution qui bouleverse les centres de décision du pays.

Challenges et héritage de Mohammed V

Le règne de Mohammed V n’a pas été exempt de défis. Bien qu’il ait amorcé un puissant mouvement de modernisation au Maroc, son règne voit également des tensions internes se développer. Cette période est marquée par un tournant vers un régime plus autoritaire, où le roi impose une gouvernance centralisée et concentrée. Néanmoins, il parvient à établir les fondements d’un Maroc moderne, tout en équilibrant tradition et modernité.

Les travaux d’infrastructures, l’amour pour la culture et les arts, et l’aspiration à une réelle liberté politique sont emblématiques de son héritage. Cependant, des critiques persistent, notamment sur le passage d’un sultanat basé sur des alliances et des soutiens à une royauté autoritaire. À son décès en 1961, une page se tourne, mais son influence demeure patente dans la structure politique marocaine actuelle, étroitement liée à la famille royale marocaine.

• 🌟 Réformes pour moderniser le pays
• ⚖️ Adaptation au changement sociopolitique
• 📚 Promotion de l’identité culturelle marocaine